Fosse à expériences de Leigh

Aux abords de l'Abreuvoir, ce joli petit ruisseau à la propreté toute relative, se tenait une pseudo cabane à moitié enterrée. Quelques planches presques entières en guise de toit, beaucoup de boue sèchée pour les murs, et une ouverture masquée par une lourde teinture.

Au dessus, un petit écriteau:


Un filet de fumée orange foncé sortait justement de l'ouverture, puis un Leigh complètement échevelé à sa suite.

"Et meeeeerde!!"

Son expérience sur le désodorisant à partir de rats pillés avait lamentablement échoué, et une odeur de cadavre pourrissant commençait à empuentir les environs. Leigh savait parfaitement qu'il était royalement nul pour inventer des parfums, mais il savait aussi qu'il était le meilleur, alors il s'entêtait jour après jour, manquant de s'asphyxier à chaque fois.
Mais là, quand même, il en avait marre.

"Bowdel de chiure de goron [...] de raclure de chaudron d'expérience de chiotte!!!"

Et il balança de rage son flacon plein de fumée orange dans la rivière. Qui prit sur le coup une drôle de teinte bleu foncé... comme si elle n'était plus polluée!
Leigh, 1m65, en chemise légère malgré le vent, toute tâchée d'orange, considéra avec un vif intérêt scientifique cette étrange réaction dont son génie était bien évidemment à l'origine.
Puis, avec un sourire dégoulinant d'arrogance, il fila dans son antre pour noter ses observations, après avoir largement ouvert la teinture pour faire dégager l'odeur pestilentielle.
Puis il se changea, se débarbouilla vite fait dans un sceau rempli d'un liquide supposé nettoyant, bloqua l'entrée de sa tanière avec une grosse poutre qu'il eut toutes les peines du monde à faire bouger -penser à créer une machine pour le faire à sa place- et se dirigea vers le centre ville et ses environs. Il avait un urgent besoin de nouveaux ingrédients...

Harijan aimait se promener. C'était un fait indéniable. L'exercice physique en lui-même n'avait qu'un intérêt médiocre, mais en marchant un peu partout on finissait toujours par tomber sur des choses intéressantes. Sa dernière balade en date lui avait permis de trouver un entrepot de nourriture presque fraîche où il avait pioché de quoi se faire un sandwich qu'il mangeait à présent. A la longue, ce n'était pas si mauvais, la viande faisandée.
En marchant le long de l'Abrevoir -encore un nom déplaisant dans cette ville, il l'aurait plutôt appellé le Dépotoir - Harijan arriva à un endroit où l'eau, sur plusieurs mètres, était d'un beau bleu foncé. Et l'air puait à un tel point que même un habitant de Ganoncity ne pouvait que le remarquer, mais ce second point de détail ne retint pas l'attention du jeune homme. De l'eau bleu, c'était tout de même plus amusant qu'un odeur de cadâvre en décomposition.
Remarquant à deux pas une petite cabane qui semblait à deux doigts de s'écrouler, le grand sheikah décida de demander à l'habitant du lieu s'il savait ce qui était arrivé à l'eau naturellement douteuse de l'Abrevoir. Par politesse il frappa doucement sur un mur de boue pour voir s'il y avait quelqu'un, mais le-dit mur ne le supporta pas et s'effondra sur lui-même, entrainant le reste dans sa chute.

"Oups..."

La bonne nouvelle, c'est qu'il n'y avait personne à l'intérieur. Ou que s'il y avait quelqu'un, il avait été assomé et avec un peu de chance mourrait bientôt par asphyxie.

Leigh revenait de ses petites courses les bras chargés de paquets. Naturellement, sur le chemin du retour, il s'était perdu 5 fois, avait fait un immense détour, et mis pas loin d'une heure à retrouver une rue connue. En vue du ruisseau d'eau sale, il poussa un soupir de soulagement.
ENFIN, il allait pouvoir être tranquille dans son petit chez lui, à faire bien tranquillement ses petites expériences sans que personne ne le dérange... enfin la paix.
Guilleret, il s'approcha de sa petite cabane, oubliant presque l'horrible odeur ambiante....
Quand!
Il aperçut un individu scandaleusement grand devant chez lui.
Un client?
Il pressa le pas... puis s'arrêta brusquement, horrifié. L'individu en question n'était autre que l'horrible imbécile qu'il avait eu la malchance de rencontrer le matin même.
Réprimant une envie de se cacher en attendant qu'il parte, Leigh s'avança à petits pas.

"EH! Vire de devant chez moi! Je t'ai pas invité!"

Arrivé devant chez lui, il s'aperçut que sa cabane n'avait plus la même tête que lorsqu'il l'avait laissée... Abasourdi, ses bras lâchèrent tous ses paquets qui roulèrent sur le sol.

"QUE... QU'EST CE QUE T'AS FAIT, CONNARD???"

Harijan sursauta en entendant la charmante voix de Leigh. Tiens, c'était chez le nouveau jouet ici? Oh, l'avait pas l'air content le jouet, pas l'air content du tout... L'idée que lui non plus ne serait pas content si un imbécile lui cassait sa maison n'effleura même pas le jeune homme. D'abord sa maison elle était solide, et surtout il savait qu'il n'aurait aucun problème pour la reconstruire.

"Il y avait quelque chose de fragile dans les paquets? Non parce que j'ai entendu quelque chose qui faisait crac."

Il réfléchit ensuite à la question qu'on lui avait posé. Leigh semblait assez en colère, il avait un motif justifié, aussi mieux valait être un peu sérieux juste un instant et lui expliquer calmement toute la vérité vraie.

"J'ai vu l'eau toute bleue, alors j'ai voulu demander à la personne qui vivait là si elle savait ce qui s'était passé. Comme je ne pouvais pas frapper à la porte j'ai frappé au mur tout doucement parce que ça n'avait pas l'air solide, et là... crac et boum. Je suis, euh... désolé? Vraiment?"

Le jeune homme n'avait pas l'habitude de faire des excuses ou du moins pas de façon sincère, et quelque chose lui disait que le charmant petit nain en colère risquait de s'énerver encore plus s'il se lançait dans un grand et beau discous.

"T-Tout DOUCEMENT??!! Mais abruti, tu as détruit ma cabane! MON LABORATOIRE!!"

Il hésitait entre commettre un meurtre et pleurer de désespoir. Les bras balants, il avança comme un automate vers le petit tas encore fumant, qui représentait jadis son unique refuge.
Toutes ses données... ses expériences en cours... ses expériences futures... ses précieux ingrédients... ses petits flacons... sa garde robe qu'il avait précieusement constituée...! Enfouis sous les décombres, enfouis dans la terre et la poussière!
Toute sa colère s'était brusquement envolée, devant l'étendue de la catastrophe qui gisait à ses pieds.
C'est donc sans conviction qu'il enfonça un poing dans l'estomac du grand. Qui avait à peine du le sentir.
Sa voix était infiniment lasse.

"... Par les orteils de Ganondorf... pourquoi faut-il que tu sois aussi intelligent qu'une bouse de goron...? Pourquoi faut-il que tu débarques chez moi...? Pourquoi, moi, meilleur inventeur de ce monde souillé, mériterait-il un tel châtiment...? Qu'ai-je fait pour mériter ... ça... puis ça?"

Il ramassa mollement les paquets sur le sol.

"Allez, abruti. Sers toi donc des deux troncs d'arbres qui te servent de bras, et déblaie moi tout ça... que je puisse en récupérer un minimum..."

Devant l'air vaguement désolé d'Harijan, qu'il regardait en face pour la première fois depuis qu'il était arrivé, toute sa colère revint et flamba comme un feu de cheminée dans tout son corps.

"RESTE PAS PLANTé là, STUPIDE ANIMAL! Tu me dois bien ça! C'est le prix à payer avec le fait, qu'après que tu aies tout déblayé, tu disparaisses immédiatement pour que je ne te revois PLUS JAMAIS de TOUTE MA VIE!! Est ce clair pour ton cerveau tristement atrophié??"

Cette fois, Harijan devint sérieux. Vraiment. Il n'avait pas mauvais fond après tout, pas totalement en tout cas, et s'il aimait jouer avec les gens pour se distraire, il ne leur voulait jamais de mal. Sauf dans certains cas très particulier, dont Leigh ne faisait pas partie. Ce garçon l'amusait bien trop pour qu'il lui veuille du mal.
Sans un mot, il commença donc à déblayer, sortant peu à peu des objets du tas de décombre. Certains flacons étaient un peu cassé, mais rien n'était totalement à jeter heureusement, et Harijan jugea que dans l'ensemble l'autre avait eu de la chance. La boue ça n'est pas solide, mais c'est assez léger une fois sec et il y avait relativement peu de dégats. En découvrant certains ingrédients cependant, il ne put masquer sa surprise.

"Au nom du ciel, qu'est-ce que tu foutais au juste là-dedans? C'est plein de truc bizarres... Tu es vraiment inventeur en fait? C'est dingue... je croyais que tous les gens un peu doué de leurs mains finissaient de gré ou de force au service de Ganondorf... Tu as de la chance d'y avoir échappé mon gars, il paraît que c'est atroce de travailler pour lui. Bien payé, mais bonjour les conditions de travail!"

Tout en parlant il avait continué à déblayer, et tomba nez-à-nez avec un tas de sous-vêtements. Sans rougir il les tendit à Leigh pour qu'il les range quelque part, puis il se mit à réfléchir.

"Tu sais, même si tu reconstruit ta cabane ici, ça sera encore un truc tout tremblant qui s'écroulera à la première bourrasque, c'est pas un bon plan pour toi. Mais si tu veux, pour me faire pardonner de ce qui vient d'arriver, tu pourrais t'installer chez moi. C'est du solide, avec des murs en pierre et tout. Bon, ce n'est pas très grand, mais de toute façon moi je n'y suis pas bien souvent, alors on ne se marcherait pas dessus. Si ça te dit, je ne te ferais même pas payer de loyer ni rien."

*Et comme ça, toi tu me pardonnes et t'es tout content parce que tu as un nouveau labo, et moi j'ai mon nouveau jouet tout à ma disposition. C'est une super affaire pour tout le monde.*

[Je... ARRGGHH l'ordi a planté alors que mon msg faisait 3 km... j'allais appuyer sur envoyer.... je suis maudite...=_=]

Pendant qu'Harijan déblayait, Leigh se jetait amoureusement sur le moindre petit objet sorti des décombres. Ses chères petites affaires...! C'est avec soulagement qu'il constata que les dégats étaient moins importants qu'il ne l'avait craint. Un léger sourire effleura ses lèvres. ça valait mieux pour la vie de l'autre orang-outan...
Il rassembla en un petit tas tout ce qui avait été récupéré.
Toutes ses précieuses données étaient saines et sauves, ainsi que tous ses gros cahiers de rapport d'expériences, ses vêtements tâchés et un peu déchirés, et ses sous-vêtements -que Leigh arracha des mains d'harijan en rougissant- également.
Néanmoins, toutes sa verrerie et beaucoup de ses ingrédients étaient à présent inutilisables. Le flacon de salsifis était éventré, ainsi que celui de fluorobichlorométhylpropanol et de fulmicarcytique.
Des plus, ses précieux engrenages qu'il avait façonnés avec amour étaient tout cabossés. Tout à recommencer... de toutes façons, sa machine à creuser la boue (copyright Andemon) qui était destinée à les accueillir avait aussi pris un méchant coup.

"...ben oui, je suis inventeur, imbécile... tu mesures toute l'ampleur de ta connerie, maintenant??"

Debout, les bras croisés, toujours énervé, il observait attentivement ce que le grand dadais sortait des décombres.

"hum... mes parents sont au service de Ganondorf... mauvaises conditions? Tu veux dire qu'ils..?! Aah, mais attends, pourquoi je te raconte ça moi? Déblaie et ferme-la!"

Puis dans un soupir, voyant que l'autre avait retourné toutes les ruines, il ôta sa tunique, l'étala par terre, y poussa le petit tas de ses affaires, replia la tunique dessus et fit un gros noeud avec les manches. Torse nu dans le vent glacial, il chargea son gros baluchon sur ses frèles épaules. La proposition de l'autre arriva alors à ses oreilles pointues.

"Habiter... chez... toi?"

Voilà qui était tout simplement hors de question. Cet imbécile lui avait pourri la matinée et sa cabane, il aurait fallu qu'il le subisse aussi le lendemain, le surlendemain, la semaine d'après... blargh.

Leigh vociféra un "NAN" sans même réfléchir, et s'aprêta à partir sans se retourner. C'est là que le sinistre paysage s'offrit à lui. Des rives de boue, encore des rives de boue, tout le long du ruisseau, conjuguées à l'odeur nauséabonde de l'endroit...
Qu'allait-il faire? Se construire une autre cabane? Ici? Avant la tombée de la nuit? ... tout seul? Pourquoi ne pas demander à l'autre abruti de la construire pour lui? Il pouvait bien faire ça...!
Soudain, des grelottements incontrôlables s'emparèrent de son corps et il se mit à claquer des dents. 'Tain qu'il faisait froid! Il rapprocha ses bras de ses côtes sans lâcher le balûchon, et se recroquevilla un peu sur lui-même.

........

Froid.

Tout son orgueil lui hurlait de ne pas accepter la proposition de l'autre décérébré. Un inférieur...! Exaspérant, qui plus est!

FROID.

Non non, il pourrait bien se creuser un trou pour s'enterrer et ne pas souffrir du vent... c'était quand même crade...

GLACIAL.

Il ne pouvait pas décemment aller chez quelqu'un qui s'était effrontément moqué de lui pas plus tard que ce matin...! Tiens, le soleil commencait à se coucher...

POLAIRE.

Il ne sentait plus le bout de ses doigts crispés sur le baluchon.

...

"Euh... H-Harijan... hé-héberge-moi... j-juste pour c-cette nuit... C'est un ordre! Vois ça comme une faveur que je te fais, de t'honorer de ma présence!"

Il se redressa un peu, toujours torse nu et presque bleu de froid. Dit comme ça, ça passait beaucoup mieux. De son point de vue. Même si dépendre de la bonne volonté de quelqu'un faisait terriblement souffrir son orgueuil.

Harijan avait été très déçu par le refus de Leigh. Vraiment très déçu. Mais d'un autre côté, qu'avait-il espéré? Tout le monde ne pouvait pas être aussi à l'aise que lui avec les étrangers, et fort heureusement il existait peu de gens aussi profiteurs et manipulateurs que lui. Et puis dans un sens ce n'était pas plus mal ainsi, il n'aurait pas aimé partager son chez-lui en fin de compte. Le seul endroit où il pouvait être totalement lui-même, c'était allongé sur son lit à regarder le ciel grâce aux trous dans le toit.
Il regard très calmement l'hylien qui s'apprêtait à partir, considérant que pour aujourd'hui au moins ce n'était plus son problème. Que cet idiot aille mourir de froid ou se faire violer dans un coin -s'il s'obstinait à ne pas porter sa chemise, ça arriverait à coups sûr - Harijan n'était plus conserné. Il avait essayé d'aider, on n'avait pas voulu de lui, fin du problème.
Il était sûr le point de faire demi-tour et de rentrer chez lui lorsqu'il entendit Leigh qui avait changé d'avis. Son coeur fit un bond dans sa poitrine, réaction qu'il jugea nettement exagérée pour un simple jouet. Il faudrait qu'il étudie ça plus tard.

"Ah, si c'est une faveur que tu me fais, je ne peux décemment pas refuser!"

Il remarqua alors la couleur inquiétante du jeune homme. Le bleu c'était joli, mais pas sûr la peau de quelqu'un, surtout que Leigh avait l'air du genre à tomber facilement malade. Les intellectuels ne pouvaient tout simplement pas prendre soin d'eux, c'était un fait.

"T'as pas un peu froid par hasard? Attends, on va régler ça..."

Par chance, il portait ce jour là un petit gilet sans manche par dessus sa chemise, un truc en laine grise assez dénué de qualité plastiques mais qui tenaient relativement chaud. Volé à un type qui vendait des herbes bizarres aux adolescents. Sans attendre, Harijan ota son gilet et le posa sur les frêles épaules de Leigh.

"C'est aussi moche sur toi que sur moi, mais ça t'évitera de geler sur place en attendant d'arriver chez-moi. Une fois à la maison j'essaierai de te trouver quelque chose d'un peu mieux si tu veux. Et maintenant p'tit gars, en route!"

Cherchant un instant son chemin du regard, Harijan se dirigea ensuite vers le centre-ville en essayant de marcher lentement pour que Leigh le suive sans problèmes.

Congelé, Leigh remercia d'une grimace Harijan qui lui avait mis sur les épaules son affreux gilet qui lui piquait sa peau délicate. Il était plutôt soulagé que l'autre accepte aussi vite. Et il avait déjà un peu plus chaud.

"Heeey! Tu pourrais au moins me porter mon baluchon non? Hôte ingrat!!!"

Chiant jusqu'au bout.
Sans attendre la réponse de Monsieur Grandes Guibolles, il jeta son gros sac-tunique sur les épaules de ce dernier, sans ménagement. Pas trop grave, puisque de toutes façons ce qui était cassable était cassé. Puis resserrant sur ses épaules l'horrible machin qui faisait affront à son charme naturel, il suivit le géant en essayant de marcher droit. Pas facile quand on grelotte de partout.

(> Chez Harijan)